Future of Work — 30 octobre 2020

La concentration, facteur décisif de l’avenir du travail distribué

Pour travailler, il faut pouvoir se concentrer. Seulement, les distractions constituent depuis toujours un problème pour les travailleurs du savoir. Le télétravail qui était jusqu’alors considéré comme un privilège est aujourd’hui largement généralisé, voire obligatoire. Et avec cette transition, des employés, des équipes et des entreprises entières doivent réapprendre à se concentrer. En effet, le travail évolue en fonction du lieu, du moment et de la manière dont il est effectué. Même les personnes les plus récalcitrantes qui, en mars, pensaient que les choses finiraient par « revenir à la normale » se sont résolues à l’idée que ces changements étaient désormais la norme et que d’autres peuvent encore survenir.

Pour quantifier les obstacles à notre capacité de concentration, Dropbox s’est associé à l’Economist Intelligence Unit afin de réaliser une enquête auprès des travailleurs du savoir, quel que soit leur niveau hiérarchique, dans les secteurs de la technologie, de la fabrication, du retail et de l’enseignement. Des chiffres indispensables pour comprendre où la concentration pose problème et l’opportunité énorme qu’elle peut représenter.

L’analyse des réponses à cette enquête confirme souvent ce que nous savions déjà, mais elle va aussi à rebours de certaines idées reçues :

  • Le manque de concentration coûte aux entreprises américaines près d’un tiers de leur temps et de leurs salaires
  • Les réunions, même les visioconférences, ne sont pas les plus gros éléments perturbateurs
  • Les managers sont plus réticents à retourner au bureau que leurs équipes
  • À domicile, la solitude est une source de distraction encore plus importante que les membres de la famille et les animaux de compagnie

La concentration diminue avec le niveau hiérarchique

Les entreprises doivent comprendre que le sommet de l’organigramme est le moins affecté par le manque de concentration, et que ses effets s’accentuent à mesure qu’on se rapproche du bas de l’organigramme. Si vous gérez une entreprise ou un grand groupe, il est possible que vous ignoriez à quel point vos employés de première ligne et en back-office se retrouvent distraits dans leur travail.

Les effets de la distraction sur les entreprises

Parmi les travailleurs du savoir, la perte de concentration coûte en moyenne 34 448 dollars par an et par employé, car elle leur fait perdre 581 heures par an, soit près d’un tiers du temps de travail moyen d’un employé. Le secteur le plus important de l’économie américaine (les services professionnels, scientifiques et techniques) est le plus affecté, avec une perte de 178 milliards de dollars par an. Avec une perte de 212 milliards de dollars, les autres secteurs sont encore plus affectés proportionnellement au nombre d’employés. Résoudre ce problème permettrait de transformer les pertes en profits : une meilleure concentration chez les travailleurs du savoir permettrait d’augmenter d’environ 1,2 billion de dollars le rendement des employés.

Tout cela, vous vous en doutiez. Votre équipe informatique n’est pas la seule dont l’innovation est freinée en raison de distractions constantes. C’est juste qu’elle maîtrise mieux les chiffres qui le montrent.

Le problème ne vient pas des réunions

Même si pour les ingénieurs logiciels les réunions “tuent l’esprit” (une référence à Dune de Frank Herbert qu’ils ont tous lu), la plupart des employés que nous avons interrogés n’assistent en moyenne qu’à une seule réunion par jour. A priori, cette réunion semble être la plus grande distraction de leur journée.

Avant la pandémie, les interruptions par un autre employé constituaient l’une des principales sources de distraction, aussi productives fussent-elles pour la personne qui interrompait. La seconde source de distraction principale provient des notifications constantes liées aux e-mails, SMS, messages privés et appels téléphoniques. Soit toutes les formes de communication instantanée modernes que nous n’avons pas encore appris à bien gérer.

C’est un chiffre qui va à l’encontre du ressenti général. Les travailleurs à domicile ont l’habitude de plaisanter en disant que les réunions virtuelles auraient pu être remplacées par un e-mail. En réalité, ils ne se rendent pas forcément compte à quel point ces e-mails et autres messages peuvent les empêcher de se concentrer sur une tâche pendant une heure d’affilée. Aujourd’hui, avez-vous réussi à passer une heure complète sans consulter vos messages ? 70 % des participants à notre enquête déclarent les consulter au moins une fois par heure, et près d’un cinquième (18 %) déclarent les consulter toutes les quelques minutes.

Le fait de stopper une tâche pour faire autre chose, même pour voir qui vous envoie un message, entrave sa réalisation et peut empêcher la mémoire à long terme de fonctionner correctement. Ce problème semble évident pour un développeur qui rédige des centaines de lignes de code, mais nous sommes tous concernés, quoi que nous fassions.

La direction se laisse moins distraire

Au quotidien, les managers interagissent avec beaucoup plus de personnes que la plupart des membres d’équipe et leur concentration s’en trouve affectée. Ils sont plus susceptibles que leurs employés de considérer les réunions comme une source principale de distraction, tout en bénéficiant d’autres avantages par rapport à leurs équipes : ils ont plus souvent un bureau privé, ou du moins un espace où leurs collègues ne doivent pas venir les déranger. Ils bénéficient de l’autorité nécessaire pour se réserver du temps afin de se concentrer sur la planification, la création de rapports et l’analyse de données pour prendre des décisions. Et peut-être qu’ils sont tout simplement plus doués pour se concentrer sur une tâche.

En fait, plus les participants ont un rang élevé dans l’organigramme, plus ils sont susceptibles de rester très concentrés. Malheureusement, en contrepartie, ils ne se rendent pas compte à quel point leurs équipes ou départements sont frustrés de ne pas pouvoir se concentrer sur leur propre travail en raison des interruptions du quotidien et des distractions impératives.

L’impact de la pandémie et du travail à domicile sur la concentration

Au-delà du virus lui-même, le flux constant d’informations liées à la COVID-19 a considérablement distrait 40 à 50 % des employés. Le phénomène touche davantage les managers que le reste des salariés. Tout le monde a été impacté, que des mesures de confinement aient ou non touché le lieu de travail et les activités quotidiennes.

Deux employés sur trois disent pouvoir se concentrer chez eux

Le travail à domicile a touché différemment chaque employé. Quatre participants sur dix affirment pouvoir mieux se concentrer chez eux, tandis que trois sur dix ne signalent aucun changement. Cependant, près d’un tiers ont vécu l’expérience inverse et déclarent être « un peu moins » en mesure de se concentrer. Cinq pour cent ont beaucoup de difficultés à se concentrer, parmi lesquels des employés figurant parmi les meilleurs en temps habituel.

C’est aux managers que le bureau manque le moins

C’est sûrement le résultat le plus surprenant de cette enquête : davantage de managers espèrent continuer à travailler à domicile même lorsque les mesures de restriction liées à la pandémie seront levées. On pourrait penser qu’ils auraient hâte d’avoir de nouveau toute leur équipe à l’œil, mais ce qu’ils souhaitent par-dessus tout, c’est ne plus être constamment interrompus par des collègues qui entrent dans leur bureau et les empêchent de se concentrer sur des tâches importantes. Ceux qui ont commencé à travailler à domicile cette année sont plus susceptibles de déclarer pouvoir davantage se concentrer chez eux.

Personne ne regrette le trajet domicile-travail

Près de 40 % des participants ont cité « la fin du trajet domicile-travail » comme avantage du travail à domicile. Et pas seulement parce qu’ils bénéficient de temps de travail ou de temps libre supplémentaires. En fait, la fin du trajet domicile-travail améliore leur concentration tout au long de la journée : c’est un gain d’attention et d’énergie qu’ils peuvent consacrer à leur travail, sans avoir à prendre l’autoroute ou le métro en début et en fin de journée. Et lorsqu’ils doivent assister à une réunion en ligne, quatre sur dix assurent que leur degré de participation est en hausse par rapport à celles passées assis autour d’une table.

Et pourtant, plus de travail signifie plus d’heures

Autre surprise : le temps de trajet domicile-travail a souvent été remplacé par davantage d’heures de travail. Quatre répondants sur dix ont déclaré que le volume de travail effectué à domicile ou leur nombre d’heures de travail hebdomadaires a augmenté, voire les deux.

Un niveau de stress en hausse, mais aussi en baisse

Si les managers peuvent mieux se concentrer chez eux, le passage au travail à domicile ne semble en aucune façon affecter leur degré de stress. Les réponses sont bien réparties : parmi tous ceux qui sont passés au travail à domicile, quatre managers sur dix ont déclaré que leur niveau de stress était en hausse. (Avions-nous vraiment besoin d’une étude pour le découvrir ?) Et pourtant, parallèlement, trois managers sur dix affirment que leur niveau de stress est en baisse chez eux.

Un nombre d’erreurs en baisse, mais des problèmes de communication en hausse

De manière générale, les salariés n’ont pas le sentiment de commettre plus d’erreurs. Seulement 7 % reconnaissent commettre beaucoup plus d’erreurs, tandis que près d’un quart assure en commettre moins qu’avant. En réalité, le principal souci des travailleurs à domicile est lié à la communication. La moitié des participants ont déclaré que les risques de problèmes de communication étaient plus ou moins élevés lorsqu’ils travaillaient à distance. Et la plupart avouent qu’il est plus difficile de démarrer de nouveaux projets avec plusieurs collaborateurs. Ce n’est pas étonnant, mais cela vaut la peine d’y prêter attention.

Un flot de messages incessant

Depuis leur création, les e-mails, le chat et autres canaux de messagerie ont été repensés pour être plus productifs et flexibles, mais ils sont aussi la principale cause de distraction. Que ce soit au bureau ou à domicile, les e-mails et les visioconférences empêchent plus de la moitié des participants de se concentrer plus d’une heure d’affilée sur une même tâche. Les messageries devancent même les interruptions en face à face. Sans surprise, 70 % des participants ont déclaré consacrer plus de temps à leurs e-mails depuis qu’ils sont passés au télétravail.

La bonne nouvelle est que pour les lieux de travail où les communications principales s’effectuent via des applications de chat comme Slack, près des trois quarts des salariés et des managers ont déclaré pouvoir se concentrer durant une heure d’affilée chaque jour.

Le fléau sournois de la solitude

Vous savez déjà que les distractions familiales, les tâches ménagères et la simple envie de se détendre constituent des obstacles majeurs à la concentration à domicile. Mais un participant sur quatre qui travaille à domicile à cause de la COVID-19 affirme ne pas réussir à se concentrer sur son travail, car il lui manque un lien avec ses collègues.

Tous les secteurs sont concernés et il est difficile de passer outre ce sentiment unanime. Et s’il est un peu plus faible chez les managers et les employés du secteur technologique qui ont l’habitude de travailler à domicile, il est plus élevé chez les employés non-cadres de l’enseignement et de la fabrication pour qui le travail à domicile a représenté un changement soudain cette année. Plus d’un salarié sur trois assure avoir du mal à travailler à cause de l’absence de lien social. Et si les participants déclarent être presque autant impliqués dans leur travail qu’auparavant, la cause principale de leur baisse d’implication reste l’absence de lien social.

Les conséquences de ce sentiment d’isolement sur les entreprises sont bien plus graves que celles liées au fait de consulter Twitter au bureau. Par rapport au tiers des participants qui disent que le manque de lien social rend leur travail plus difficile, seul un dixième de participants cite les réseaux sociaux comme source de distraction.

Comment instaurer une culture de la concentration ?

En 2013, Marissa Mayer, la nouvelle PDG de Yahoo, avait mis fin au télétravail dans l’entreprise et obligé tous les salariés à travailler en bureau. Elle avait à l’époque déclaré : « Nous devons former une même famille Yahoo. Et cela commence par être physiquement ensemble… nous devons travailler côte à côte. »

Sept ans plus tard, il est difficile d’imaginer qu’une telle situation se reproduise. Mais comment améliorer la concentration tout en alliant présentiel et travail à domicile ?

Jusqu’à présent, les employés étaient livrés à eux-mêmes : la plupart des participants à notre enquête considèrent que la capacité de concentration au travail relève de leur propre responsabilité plutôt que de celle de l’entreprise. Cependant, de nombreux facteurs de distraction importants relèvent implicitement de la structure organisationnelle. Un énième article sur « Les 10 meilleurs conseils pour travailler efficacement à la maison » ne sera d’aucune utilité. Ce sont aux dirigeants et managers de trouver une solution à ces défis, eux pour qui le télétravail ne pose pas les mêmes problèmes.

Les programmes d’entreprise sont rares

Les chiffres les plus frustrants de notre enquête montrent à quel point les initiatives pour renforcer la capacité de concentration des employés sont rares à l’échelle de l’entreprise. Des journées sans réunion, des « moments de concentration » officiels, des formations internes qui mettent en avant la pleine conscience et découragent le multitâche… Moins d’un participant sur cinq a connaissance de ce genre d’initiatives dans son entreprise. Le nombre de participants évoquant une interdiction de consulter son téléphone personnel au travail est sensiblement le même. Une initiative peu efficace quand les SMS proviennent du bureau.

Automatisation et communication asynchrone

Une stratégie utilisée par les entreprises pour faciliter le quotidien des télétravailleurs est l’automatisation des tâches, telles que la planification de réunions. Une mesure efficace pour lutter contre la perte d’attention.

Mais dans le même temps, une forte augmentation du nombre de réunions par rapport au travail au bureau, ainsi que du nombre total d’heures travaillées, montre que les télétravailleurs auraient tout à gagner en mettant en place une « communication asynchrone », c’est-à-dire en éliminant autant que possible les situations où deux collègues doivent se connecter en même temps à une heure précise. Le modèle Divergence-Convergence, dans lequel les membres de l’équipe travaillent le plus souvent de manière indépendante, a donné de meilleurs résultats.

Les outils numériques permettent aux employés de recevoir de nouvelles informations et d’y répondre immédiatement, mais cela ne veut pas dire qu’ils doivent se sentir obligés de le faire. Une étude contrôlée a montré que limiter la consultation des e-mails à trois fois par jour permettait de réduire le stress sans pour autant affecter la productivité. Trois participants à notre enquête sur cinq consacrent moins de deux heures par jour à leurs e-mails. Autant de participants consacrent moins d’une heure par jour à la messagerie instantanée. Attendre un peu pour traiter nos messages de façon groupée nous permettrait de bénéficier de plusieurs heures de concentration ininterrompue.

Un besoin de concentration, mais surtout de connexion 

La plupart des employés pensent que la culture d’entreprise pâtit du passage au travail à distance. Des chercheurs ont découvert que les travailleurs à distance se sentent souvent isolés de deux manières distinctes : ils sont coupés du réseau de soutien de l’entreprise et n’ont plus de lien social avec leurs collègues. Les managers ont souvent du mal à pallier ces problèmes, en raison notamment du manque de recherches et de documentation sur l’isolement lié au travail à domicile avant la crise de COVID-19.

Presque aucun employé ne s’attend à ce que son employeur trouve une solution à ce problème. Sept participants sur dix, qu’ils soient managers ou non, estiment que rester concentrés relève de leur propre responsabilité. Ils sont presque autant à penser avoir une influence sur leurs propres emploi du temps et environnement. En réalité, ce dont ils ont le plus besoin, c’est peut-être de savoir comment se sentir plus soutenus et connectés au reste de l’équipe.

Les employés de demain ne s’en rendront probablement pas compte, mais ils seront rares à s’épanouir dans l’un des deux extrêmes, que ce soit en étant constamment interrompus ou coupés de tout contact à longueur de journée. L’environnement de travail gagnant sera celui qui favorise la concentration grâce à une double approche : offrir aux employés distribués géographiquement de nouveaux moyens de se sentir en phase avec le groupe, mais tout en les laissant travailler seuls.

Consultez le rapport complet de L’Economist Intelligence Unit sur lostfocus.eiu.com.

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